6 décembre 2020

Des jeux et des hommes

 Je partage un article de Arnaud Riou car en ces temps anxiogènes, cela peut également nous faire réfléchir à notre manière d'observer  et analyser une situation


 

Le Messie apparaîtra-t-il à Noël ?

Il existe dans les procédés toxiques de manipulation un processus que les psychologues connaissent sous le nom de Triangle de Karpman.

Les victimes, qui souffrent de jeux psychologiques, de harcèlement, ou d’abus de pouvoir sont généralement impliquées dans ce jeu dramatique. Elles ont besoin, pour s’en sortir de comprendre et d’analyser ce triangle avant de retrouver leur souveraineté.

Car pour rejoindre le triangle de Karpmann, il est nécessaire qu’un protagoniste se sente victime d’une situation.  On peut se sentir victime de son patron qui nous impose des rythmes insensés, d’un compagnon jaloux et possessif, on peut aussi se sentir victime d’une société arbitraire, ou des caprices de la météo sur nos récoltes.

Ce n’est jamais une situation qui nous rend victime, mais le regard que nous portons sur elle et les émotions que nous y associons. Qu’un instituteur punisse toute une classe pour sanctionner le comportement d’un élève, certains le vivront comme une injustice, d’autres trouveront la punition normale. Certains se révolteront, d’autres se soumettront et d’autres encore chercheront à positiver. Chacun vit différemment une même situation à partir de son tempérament et de son histoire et nous n’avons pas tous la propension à nous sentir victime.

Je me souviens de cette femme qui était venu me consulter à mon cabinet il y a quelques années. Son compagnon l’humiliait, la maltraitait, puis à d’autres moment la valorisait. Lorsqu’elle voulait s’échapper de ce jeu toxique, le mari lui rappelait qu’il lui avait tout donné, qu’elle ne retrouverait jamais un homme comme lui. La femme victime, en mal de reconnaissance, se sentait pieds et poings liés au destin du deuxième protagoniste de ce trio : le persécuteur. Celui-ci savait manier la valorisation, la dévalorisation, la peur et la culpabilisation ; pièges dans lesquels tombaient allègrement la victime.

Dans ce processus toxique, la victime d’un persécuteur cherchera refuge chez le troisième protagoniste du triangle le sauveur. Pour cette femme, le sauveur était sa fille qui lui remontait le moral en la consolant et ainsi se sentait utile et aimée de sa mère. Une fois soulagée de ses plaintes, la victime retournait chez son bourreau et le triangle continuait. Cette relation toxique dura trois années entières. Le sauveur, peut entretenir consciemment ou inconsciemment celui qu’il veut sauver dans sa posture de victime pour exister. Car le sauveur perd son influence lorsque la victime retrouve sa souveraineté. C’est pourquoi certains sont très enclins à vouloir sauver l’autre à tout prix. Même s’il n’est pas prêt à s’en sortir. Ce « jeu » est assez subtil et rarement conscient, c’est pourquoi cette relation est toxique.

Dans le triangle de Karpmann, la victime de l’un devient rapidement le bourreau de l’autre. Et le sauveur de l’un prend à son tour un rôle de victime. Pour nous affranchir du triangle de Karpmann, nous devons déjà bien en comprendre le fonctionnement du trio en mouvement.

Ce triangle dramatique s’est invité dans la gestion de notre crise sanitaire depuis bientôt un an. Dans un premier temps, le persécuteur était invisible : Un virus qui serait venu de Chine. Nous étions ensemble les victimes d’une guerre qui ne se voit pas. Plus la victime a peur, plus elle se sent impuissante, plus elle cherche un persécuteur responsable de sa souffrance. Plus elle espère un sauveur hypothétique. L’état, le gouvernement, la hiérarchie prennent souvent volontiers cette place. Le processus toxique peut circuler dans le triangle infernal.

Plus les citoyens acceptent d’être infantilisés, plus ils renforcent le pouvoir de leur persécuteur et plus ils nourrissent celui de leur sauveur. Plus la victime craint ce virus, plus elle perd son discernement, son sens souverain, la confiance dans ses propres ressources et dans son immunité naturelle, plus elle remet aux gouvernements le pouvoir de multiplier ses lois liberticides, absurdes ou contreproductives. Quitte à accepter des remèdes souvent pires que le mal.

Jamais dans l’histoire, une crise sanitaire n’aura été gérée de façon aussi manichéenne. Jamais les populations n’auront été à ce point infantilisées et dessaisies de leur souveraineté. Même le sida qui aura tué plus de trente millions de personnes, même la malbouffe qui est responsable de onze millions de morts chaque année n’auront eu ce traitement et ces soins politico médiatiques. Aucune épidémie ne nous avait à ce point embarqué dans ce triangle dramatique. Car celui qui se sent victime en perdant sa souveraineté, son bon sens et son discernement nourrit dans son cœur autant l’attente du messie que la peur de l’autre.

La peur du virus, a été vite remplacée par la peur de l’autre. Cet autre qui agit différemment de nous, qui pense différemment devient un persécuteur potentiel. Le persécuteur était hier le virus, il devient l’autre, le contaminé, celui qui n’a pas su se protéger. Celui qui ne portait pas le masque ou refuse le vaccin ou celui qui le produit.

C’est la première fois que la gestion d’une crise sanitaire s’invite à ce point dans notre quotidien. Elle s’est immiscée dans nos relations sociales, dans les entreprises, dans les écoles, dans notre rapport à la culture, aux loisirs, au sport, à la pédagogie. Elle s’est invitée dans les foyers et jusque dans l’intimité du couple. Elle impose ses comportements. Elle se propose de transformer nos relations de réinstaurer ce qui est normal, ce qui ne l’est pas.

Les neurosciences savent qu’il faut vingt et un jours pour modifier une habitude, un comportement. Que considérons-nous comme normal qui nous aurait choqué hier ? Qu’est-ce que cette période a changé en nous, déjà ? Qu’acceptons-nous, et au nom de quoi ? Que considérerons-nous demain comme normal ? L’expérience de Milgram - ou expérience de soumission arbitraire à l’autorité - montre que les citoyens préfèrent encore torturer que désobéir.

Tant que nous nous maintenons dans ce triangle, nous sommes tour à tour persécuteur de l’un, victime de l’autre ou sauveur.

Ce n’est qu’en retrouvant chacun notre souveraineté, notre bon sens. Ce n’est qu’en prenant le temps chacun de décrypter les mécanismes de manipulation, ce n’est qu’en faisant preuve de discernement, de curiosité, de confiance en nous et en l’autre, en nous renseignant par nous-même, en écoutant notre intuition que nous retrouverons notre bon sens. Car celui qui retrouve sa propre souveraineté n’attend pas plus le messie à travers des promesses, qu’il ne cherche à affaiblir l’autre ni à le rendre responsable. Car il est établi dans sa paix. Une paix contagieuse. C’est le défi qui nous attend.

Arnaud RIOU

Pour aller plus loin

- La chaine youtube de Arnaud Riou et ses chroniques comme Réparer son enfance : https://youtu.be/ypQLLcZa4Do 

- Un autre Youtubeur sur le Triangle de karpman qui ne manque pas d'humour : Psychorama,Persécuteur, Victime, Sauveur : le triangle dramatique (Karpman) - ANALYSE TRANSACTIONNELLE #09 https://youtu.be/c_nL7NEwlqI